Position 17°54N – 44°16W, vitesse 4,4 nœuds, 984 milles du but
Vendredi 04 novembre, 11 h.
Mes expériences passées à travers l’Océan Atlantique, que ce soit en Mini 6.50, Class40 ou encore en IRC, m’ont permis de découvrir cette immensité, ses phénomènes et systèmes météorologiques et de courants marins, dans lesquels évoluent de nombreuses espèces d’oiseaux et de mammifères marins. Là, à ma grande surprise, je dois dire que nous n’avons vraiment pas croisé grande activité animale ni biodiversité !
Est-ce normal, est-ce un marqueur de notre temps, de l’impact de nos activités ou des changements des équilibres naturels entre les grands courants marins et atmosphériques, comme la circulation thermohaline?
Je ne saurais le dire, mais pour illustrer ces perturbations environnementales, nos dernières 40 heures passés dans ce qu’on appelle communément l’autoroute des alizés ont été particulièrement atypiques, défiant les statistiques. De mon expérience, je les qualifierais de similaires à un « pot au noir » (zone de convergence intertropicale). En effet, une cellule de basses pressions (un thalweg possiblement) est venue chambouler le champs de vent sensé être établi en provenance de l’Est, Nord-Est.
Concrètement, au dessus de nos têtes, est venu s’installer un énorme nuage orageux déversant toute son énergie sur notre embarcation. Sautes de vent brutales en force et direction, concerto d’éclairs et de tonnerre, déluge quasi-incessant de pluie – une vraie mousson – ! L’équipage de Khelios, impressionné par cette démonstration des forces de dame Nature a laissé paraître son appréhension toute justifiée. Raisonnablement, nous avons mis le curseur là où l’intégrité physique et mentale de mes équipiers – en pleine expérience de leur 1ère Transatlantique en course à la voile – serait préservée ainsi que celle de notre voilier, maison, abri. Tout de même, 40h dans ce chaudron imprévisible et beau à la fois, marque les esprits et les Hommes.
Est-ce que nos concurrents ont eu droit au même traitement ? Était-ce centré sur nos têtes ? Difficile à dire, mais encore une sacrée expérience d’acceptation, d’adaptation, de confiance et de patience. Non l’autoroute des alizés n’est pas de tout repos, non, nous de maîtrisons pas tous les paramètres de notre grand plateau de jeu et fort heureusement! Là est le sel et le piment de notre repas, le fruit confis de notre dessert et sans aucun doute, les récits post arrivée seront nourris de cette adversité.
Sacré baptême du feu pour le franchissement de nos 2000 milles parcourus et nos 1000 milles du but.
En distance au but, comme nous, vous observez notre descente au classement, mais nous avons de bons espoirs et une grande motivation pour à nouveau grappiller sur nos concurrents grâce à notre stratégie, même si notre polyvalence est légèrement réduite par nos 2 voiles de portant inutilisables.
Nous pensons à vous tous, en ces temps de libertés réduites et mesurons chaque seconde notre privilège de mener notre barque où bon nous semble. Ici, seule la nature dicte sa loi !
Nico Boidevézi, skipper, pour l’équipage de Khelios, dont chaque jour je mesure l’élasticité et l’agilité grandissante.